Le terme « climat » en Bourgogne ne désigne pas la météo, mais une parcelle de vigne minutieusement définie et nommée. Chaque climat se distingue par un terroir unique, façonné par sa géologie, sa topographie, son exposition solaire, son microclimat, et bien sûr, l’intervention humaine. La Bourgogne compte environ 1 247 climats, chacun chargé d'une dimension culturelle et historique.
En somme, un climat est le point de rencontre entre la nature et la main humaine : il représente la relation étroite entre l’homme et le sol. Mais cela soulève une question essentielle : sur quels critères délimite-t-on un climat ?
Tout commence par le sol. En Bourgogne, la géologie est d'une richesse fascinante. Cette région repose principalement sur une dorsale calcaire datant du Jurassique moyen (environ 170 millions d’années). Ce substrat géologique est ponctué par des couches d’argile, de marnes, et d'autres formations sédimentaires, qui varient d’une parcelle à l’autre, influençant directement la vigne.
Les climats les plus prestigieux, comme ceux de la Côte de Nuits et de la Côte de Beaune, se trouvent sur les coteaux bien exposés, où les sols caillouteux et drainants offrent à la vigne un environnement idéal. Prenons l’exemple du célèbre climat « Le Montrachet » : il repose sur des sols minces, calcaires et bien équilibrés. Ce type de sol contraint les racines à plonger en profondeur pour chercher des nutriments, conférant au vin sa structure unique.
À l’inverse, les parcelles situées en bas de pente, souvent plus riches en argiles ou avec une hydrométrie plus élevée, produisent des vins au profil différent : plus ronds, parfois moins fins. La géographie du sol est donc une première clé pour comprendre pourquoi et comment les climats sont définis.
Le positionnement d’un climat sur un coteau joue également un rôle central dans sa définition. La Bourgogne est traversée par une faille géologique qui a formé des coteaux orientés majoritairement à l’est et au sud-est. Ces expositions permettent une captation optimale de l’ensoleillement matinal, idéal pour une maturation progressive et homogène des grappes.
Précisons que chaque climat est géré en fonction de sa pente et de son orientation. Un vignoble exposé plein est, comme à Puligny-Montrachet, enregistrera un ensoleillement plus doux que celui exposé au sud, comme certains climats de Vosne-Romanée. Ces nuances climatiques, aussi subtiles soient-elles, influencent la maturation des raisins et, in fine, la typicité du vin.
La pente joue également un rôle crucial dans le drainage. Plus le vignoble est en pente, plus l’évacuation de l’eau des pluies est rapide, évitant des engorgements hydriques néfastes à la vigne. Ce travail de drainage naturel est complété par la texture et la capacité des sols à retenir plus ou moins l’eau.
Si les critères géographiques et géologiques posent les bases de la définition des climats, l'intervention humaine vient affiner ces contours. Les moines cisterciens du Moyen Âge ont joué un rôle clé. Ces prédécesseurs des vignerons modernes ont cartographié les sols et étudié les rendements et les effets du microclimat sur différentes parcelles.
Ce travail méthodique a permis, dès le XIIe siècle, d’identifier les parcelles les plus qualitatives. Les moines ont ainsi délimité des zones précises dont ils observaient les particularités, en fonction de leur aptitude à produire les meilleurs raisins. C’est de cette époque que datent les noms de climats encore utilisés aujourd’hui, souvent dérivés des usages locaux ou des caractéristiques des lieux (comme « Les Amoureuses » à Chambolle-Musigny ou « Les Perrières » à Meursault).
De nos jours, les scientifiques et les géographes, en lien avec l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), utilisent des outils technologiques sophistiqués pour valider et affiner les délimitations des climats. Les systèmes d’information géographique (SIG) permettent de cartographier avec une précision extrême le relief, les structures des sols, et même les variations de température et d'humidité à l'échelle micro-locale.
Des analyses pédologiques approfondies, associées à des données climatiques et hydrologiques, offrent une compréhension encore plus fine des terroirs. Par exemple, une étude récente de l’INAO sur le climat « Clos de Tart » a révélé l'incroyable homogénéité géologique du sol, confirmant l’origine historique de sa délimitation parcellaire.
La délimitation des climats n’est pas immuable et peut être l’objet de débats passionnés. Certaines frontières historiques font l’objet de controverses entre viticulteurs, ou bien entre différentes appellations. L’INAO intervient alors pour trancher. Parfois, ces discussions intègrent de nouvelles données géographiques ou scientifiques.
Par ailleurs, avec le changement climatique, des questions se posent sur l’avenir des climats. Si la Bourgogne se réchauffe, les zones historiquement marginales à la viticulture pourraient gagner de la pertinence, tandis que les climats actuels devront probablement s'adapter pour préserver leur typicité.
La délimitation des climats de Bourgogne repose sur un dialogue entre les spécificités naturelles, l'histoire humaine et la rigueur scientifique. Les climats racontent une union millénaire entre l’homme, le sol et le paysage. Comprendre ces entités géographiques, c’est aussi porter un regard plus attentif sur le vin que l’on déguste, et percevoir la richesse singulière qui s’y cache.
À l’heure où les terroirs viticoles font face à des changements environnementaux, l’exploration des climats de Bourgogne nous rappelle à quel point le lien entre le sol et l’homme est essentiel. Pour vous passionnés de géographie, de viticulture ou simplement de grâce viticole, ces parcelles précieuses méritent toute notre attention. Alors, que diriez-vous de prendre un instant pour ouvrir un atlas et retracer avec nous l’identité cachée des climats ?
