Chablis, situé au nord-ouest de la Bourgogne, est d’abord connu pour ses célèbres vins blancs issus du cépage chardonnay. Mais leur caractère si distinctif trouve largement son origine dans les sols du Jurassique supérieur qui dominent la région. Ici, les vignes s’enracinent profondément dans des formations géologiques vieilles de 150 millions d’années : le kimméridgien et le portlandien.
Le kimméridgien est un sol composé de marnes argilo-calcaires, riches en fossiles marins, notamment les exogyra virgula, petites huîtres fossiles caractéristiques. Ces sols, à la fois riches en calcaire et en argiles, permettent de réguler parfaitement l’eau au niveau des racines des vignes, tout en conférant une minéralité subtile et tranchante aux vins. Les climats Premiers Crus et Grands Crus de Chablis se situent sur ces terroirs bien spécifiques.
En revanche, les terres constituées de calcaires du portlandien, plus pauvres et moins fertiles, offrent un support aux vins de Chablis plus simples, tels que les Chablis génériques. Ces sols se trouvent majoritairement sur les plateaux et les coteaux plus élevés.
Cette distinction entre kimméridgien et portlandien ne se limite pas à une simple observation géologique. Elle influence directement la typicité des vins : finesse et complexité pour le premier, simplicité et légèreté pour le second.
En parcourant la Côte d’Or, entre l’Auxerrois et le Mâconnais, on découvre des sols qui évoluent progressivement. Ce territoire central de la Bourgogne concentre les appellations les plus prestigieuses, et cette réputation tient beaucoup à la diversité géologique qui s’offre ici à l’observation.
L’élément clé ici réside dans l’harmonie entre les influences climatiques et géologiques. Les sols maigres et bien drainés, riches en pierres calcaires, favorisent une maturité homogène des baies tout en maintenant une certaine fraîcheur dans les acides, créant des vins complexes avec un potentiel de garde impressionnant.
Plus au sud, au cœur de la région de Chalon-sur-Saône, on entre dans une zone où les formations argileuses prennent davantage d’ampleur. Les sols y sont souvent composés de marnes rouges et de calcaires jurassiques, mais le rôle des matériaux argileux amène une modification dans la gestion de l’eau et de la chaleur.
Les marnes, particulièrement riches en argiles, favorisent la culture du chardonnay. Leur capacité à retenir l’eau et à restituer les minéraux aux plantes est particulièrement propice aux climats chauds, bien que les mi-pentes caillouteuses accueillent aussi des pinots noirs élégants. En dégustation, les blancs du Chalonnais tendent à révéler une palette aromatique ample et généreuse, associée à une acidité moins saillante qu’à Chablis.
On retrouve également dans cette région de vieux dépôts de graviers et de limons déposés par la Saône et ses affluents, particulièrement dans les zones de plaines. Ces éléments alluvionnaires apportent une complexité supplémentaire dans certains assemblages.
Enfin, en atteignant le Mâconnais, on entre dans un univers où la roche se fait encore plus visible, parfois spectaculaire. Ici, les coteaux pentus et escarpés s’élèvent au-dessus de vallons verdoyants. Les vignes s’enracinent dans des sols aux influences variées, mêlant géologie ancienne et influences climatiques méridionales.
La particularité du Mâconnais réside dans la présence de roches calcaires imposantes, comme celles de la Roche de Solutré. Ces éléments telluriques marquent aussi les paysages viticoles et influencent indirectement la composition minérale des vins. Les chardonnays produits ici se distinguent souvent par une richesse en bouche qui tranche avec la tension vibrante des crus plus au nord.
Pouilly-Fuissé, l’un des crus les plus célèbres du Mâconnais, illustre à merveille cette harmonie entre calcaires et argiles. Les sols y alternent entre des affleurements rocheux calcaires et des marno-calcaires plus profonds, formés il y a plus de 160 millions d'années. À cela s’ajoutent les traces d’anciennes érosions qui enrichissent ponctuellement les terroirs de sables et limons.
En parcourant les 150 kilomètres qui relient Chablis au Mâconnais, la diversité des sols raconte non seulement une histoire géologique fascinante, mais explique aussi la richesse et la singularité des vins produits sur ces terroirs. Du tranchant minéral des chablis sur kimméridgien à la rondeur généreuse des mâconnais sur argilo-calcaire, chaque microcosme viticole traduit fidèlement son substrat géologique.
Cette diversité demeure la force de la Bourgogne viticole : une mosaïque de terroirs où chaque appellation, chaque climat, chaque parcelle trouve son expression unique dans un dialogue intime entre la vigne et son sol. À travers cette lecture des sols, c’est tout un patrimoine vivant qui se dessine, intrigant et captivant pour quiconque souhaite approfondir sa compréhension de ce qui repose sous ses pieds.